Abstract
L’article ci-dessus est une plaidoirie et en même temps une démonstration, dont le but est de rétablir la chronologie de l’œuvre du moine Théodore Mărișescul, éminent calligraphe et miniaturiste de l’époque d’Étienne le Grand, issu de la communauté monastique du monastère de Neamtz. Une étude, richement illustrée, publiée dans cette même revue (XVI, 2020, 2, p.1 23–164), a présenté six manuscrits, attribués à ce maître et réalisés entre 1491 et 1500, dont cinq Tetraévangiles, datés – selon leurs colophons – entre le 23 avril 1491 et le 24 janvier 1498. Dans cet intervalle, on a compté, pour l’année 1492, trois Tetraévangiles, quoiqu’ils ne portent pas le même veleat (année définie par l’emploi de l’ère constantinopolitaine, qui compte le temps depuis la Création du Monde, c.-à-d. depuis le 1 septembre 5509 av. J. C.): le premier, destiné au monastère athonite de Zographou, est daté du 26 juin 7000; le second, destiné au monastère de Pătrăuți (près de Suceava), est daté du 30 septembre 7001; le troisième, destiné à l’église de la forteresse de Hotin, est daté du 26 octobre 7001.
L’auteur croit que la création de ces trois manuscrits, volumineux et enluminés, par un seul calligraphe dans une seule année est difficilement acceptable; il affirme que cette „agglomération” est le résultat d’une double erreur.
En premier lieu, il faut observer que le Tetraévangile destiné au monastère de Pătrăuți n’est pas l’œuvre du moine Théodore Mărișescul, mais d’un homonyme. Tandis que le calligraphe de Neamtz se présente comme „le diacre Théodore, fils de Mărișescul”, l’auteur du Tetraévangile de Pătrăuți est „le scribe (diac) Toader, fils du prêtre Gavril”; le premier travaille à Neamtz, le second – à Suceava. Enfin, le premier avait l’habitude d’utiliser un élément supplémentaire pour mieux préciser la date: l’année du règne du prince Étienne (anul curgător, l’année courante). Le colophon du Tetraévangile destiné au monastère de Pătrăuți ne contient pas cet élément. Il faut, donc, renoncer à identifier Théodore Mărișescul avec le diacre homonyme de Suceava et, par conséquent, il faut éliminer le Tetraévangile de Pătrăuți du répertoire des œuvres de Mărișescul.
La seconde erreur est de nature chronologique. Il faut tenir compte d’une réalité tout à fait spéciale, une particularité spécifique aux sources de l’histoire moldave jusque vers le dernier quart du XVIe siècle: quoique, pour dater les textes écrits en slavon, on utilisait l’ère byzantine, l’année ne commençait pas le 1er septembre, mais le 1er janvier. Par conséquent, pour les mois septembre–décembre il ne faut pas déduire 5509 de l’année byzantine (le veleat) pour avoir l’année de l’ère chrétienne (Anno Domini), mais 5508, comme pour le reste des mois.
L’auteur de l’article cité plus haut n’accepte pas cette exception et, par la suite, a attribué le Tetraévangile destiné à l’église de la forteresse de Hotin, daté par son colophon le 26 octobre 7001, à l’année (A.D.) 1492, tandis que pour les historiens de Roumanie il date de 1493. Mais, grâce à l’élément chronologique supplémentaire utilisé par Théodore Mărișescul, on peut démontrer d’une manière irréfutable l’erreur de datation, mais aussi la validité de la règle concernant le style du 1er janvier. Le calligraphe a mentionné qu’à la date de son colophon, le 26 octobre 7001, le règne d’Étienne le Grand parcourrait la 37ème année courante. Vu que ce règne a commencé le 12 avril 1457, la 37ème année courante commence en avril 1493 et finit en avril 1494. On ne retrouve pas l’année 1492 dans la 37ème année courante du règne d’Étienne le Grand. Utilisant l’ère byzantine, cette année commence en avril 7001 et finit en avril 7002. Donc, le 26 octobre 7001 ne peut pas correspondre qu’au 26 octobre 1493. Il va de soi que, suivant la même règle, le Tetraévangile destiné au monastère de Pătrăuți, daté du 30 septembre 7001 et déjà éliminé du répertoire des œuvres de Mărișescul, doit être transféré lui aussi de 1492 dans l’année suivante.
Conclusions: 1) dans le répertoire des œuvres de Théodore Mărișescul il y a un seul Tetraévangile pour l’année 1492, celui destiné au monastère de Zographou; 2) au temps d’Étienne le Grand, l’année commençait le 1er janvier.
Keywords
chronologie médiévale, Étienne le Grand, le début de l’année, Moldavie, Tetraévangiles, Théodore Mărișescul