XV, 2019, 2



La violence – instrument du pouvoir dans la Moldavie d’Étienne le Grand | p. 21–36


Keywords
Étienne le Grand, mécanismes de gouvernance, peur, pouvoir, violence

Abstract

La recherche du point de vue comparatif des épisodes cruels et sanglants du règne d’Étienne le Grand, prince de Moldavie (1457–1504), met en lumière des aspects non relevés jusqu’à présent et donne des nuances aux conclusions déjà formulées à ce sujet. On a démontré, il y a quelques années, avec des arguments solides, que les scènes de violence dans les chroniques de l’époque d’Étienne le Grand ont été calquées sur l’Ancien Testament et les écrits apocalyptiques, que le prince de Moldavie semble avoir suivi, en sa qualité assumée de «dernier empereur», vainqueur des infidèles et pacificateur avant la fin du monde. Certaines actions violentes d’Étienne le Grand sont similaires à celles attribuées à Vlad l’Empaleur, prince de Valachie, dans des histoires qui ont connu un réel succès d’un bout à l’autre de l’Europe, au-delà des frontières politiques ou religieuses. Ce qui ne nous permet pas cependant de supposer que les deux princes étaient animés des mêmes goûts morbides. En réalité, nous avons affaire à la même gamme de gestes de pouvoir, spécifiques aux souverains médiévaux qui, suivant le modèle du princeps justus, avaient le droit – même le devoir – d’utiliser la violence pour inspirer la peur. La difficulté consiste à remarquer la différence entre la «violence légitime de l’État» et la «violence privée illégitime» (Hans-Jacob Orning). Cette dernière était associée à la cruauté, considérée comme un vice pour un monarque chrétien. Avec la cupidité et la sévérité excessive, elle caractérisait le règne des tyrans. Le recours à la violence légitime par Étienne le Grand était une composante de son exercice du pouvoir, nécessaire pour créer et maintenir l’insécurité et la peur, afin que les opposants, de l’intérieur ou de l’extérieur, n’osent rien faire d’autre que se soumettre. Des décisions surprenantes, des menaces, des attaques inattendues, des châtiments sanglants faisaient partie du mécanisme complexe de gouvernance des souverains de droit divin, autocrates, dont l’autorité reposait non seulement sur le soutien volontaire, mais aussi sur la peur.